Petit Saint Bernard et Traversette : dernier jour avant fermeture !
En ce vendredi 4 Novembre 2016, tous les grands cols sont encore ouverts, Iseran compris. Mais demain il sera trop tard, d'après ce que la météo nous promet. Pour profiter de cette ultime possibilité, nous partons de Séez et montons à La Rosière par la route du Petit Saint Bernard, dont la pente douce est idéale pour l'échauffement. Ciel dégagé et belles
Route du Petit Saint Bernard
couleurs d'automne, circulation à peu près nulle. À partir de là, une route militaire, construite en 1894-95 pour les besoins du chantier de la "Redoute ruinée" à proximité du col de la Traversette, permet d'y monter à bicyclette sans trop de difficultés. Depuis quelques années, de nombreuses constructions liées au développement de la station ont intercepté l'itinéraire "historique" (en fait, sa version 1902), partant à proximité des Eucherts. Nous avions l'habitude de le suivre dans les décennies
Le lacet à l'altitude 2118 m
précédentes, mais cela ne nous a pas empêchés d'avoir un peu de mal à en retrouver le début au milieu des immeubles et des engins de chantier. Aujourd'hui il vaut mieux oublier les Eucherts, rester sur la RD 1090 et prendre la 1ère à droite après l'office du tourisme (qui est à gauche). La piste est maintenant goudronnée jusqu'au chalet du golf, vers 2000 m. De nombreux embranchements récents ont été créés pour les besoins du ski et, si on n'est pas familier
des lieux, il est prudent de se munir de la carte au 1/25000 ème du secteur (IGN 3532 ET).
Vue depuis le "lacet 2118"
Un peu plus haut, la piste laisse à droite celle qui dessert le Plan du Repos et file vers la crête, qu'elle atteint pour la première fois au lacet coté 2118. De ce point, on a une belle vue sur le versant droit du Reclus, et notamment sur le hameau de Saint Germain et l'ancienne route du Petit Saint Bernard (elle aussi, soit dit en passant, entièrement cyclable). Le village de Saint Germain, qui eut par le passé un rôle crucial à jouer dans l'entretien de la route, est un peu en dessous du
centre de la vue ci-dessus.
Le Mont Pourri, vu de la piste à proximité du Roc Noir
Du "lacet 2118", quelques longueurs à pente irrégulière permettent de se hisser à proximité du Roc Noir. Ensuite, la portion relativement rectiligne qu'on voit ci-dessous
La piste, à proximité du Roc Noir. En haut à droite, le terminus.
(environ 2 km) chemine à proximité de la crête, effleure le col des Embrasures à 2303 m d'altitude (le franchir pour de bon reviendrait à peu près à sauter dans le vide ! ) et atteint la Traversette (2383 m). L'histoire militaire de ces routes, bien documentée depuis les premiers conflits franco-savoyards jusqu'à la dernière guerre, explique en grande partie la raison d'être
Vue du pont de la Marquise et ses abords, depuis la Redoute ruinée
des voies parcourues ce jour. Pour en savoir plus, le lecteur pourra consulter l'ouvrage [1] de la bibliographie. De la Redoute ruinée, la vue plonge sur le vallon du Reclus et la RD 1090 au niveau du pont de la Marquise, à proximité duquel aboutissent deux pistes notables : rive droite, celle qui suit peu ou prou l'ancienne route du Petit Saint Bernard. Rive gauche, celle qui permet de descendre directement du col de la Traversette par son versant Nord. De ce col, le début de la descente se fait sur une piste de ski plutôt pentue (c'est une "rouge"), exposée plein Nord, souvent tôt enneigée. C'est bien entendu le cas en ce début Novembre.
Le lac près du point coté 2217
Des traces de pneus de vélo prouvent qu'un congénère est passé par là, un jour de neige molle. Aujourd'hui elle est plutôt ferme mais sans excès, et il suffit de frapper un peu fort du talon pour éviter toute glissade. Sur la vue du petit lac ci-dessus, on distingue à gauche et au dessus les vestiges de quelques lacets du fameux "chemin des canons", qui montait jusqu'au col avant la création de la piste de ski. On en verra d'autres aspects plus loin. Sur la même vue, on distingue en haut et à gauche un petit bâtiment ; c'est le poste de secours (pour les skieurs) , situé à proximité du col. Nous nous y sommes réfugiés pour pique niquer à l'abri un jour de vent froid, en Septembre 1998. Près du lac, on a le choix entre trois solutions. La première consiste à descendre directement sur le pont de la Marquise par la piste (cyclable) qui commence à peu près ici. C'est la version la plus courte, mais la moins intéressante.
Un peu plus loin, sur le chemin des canons
Une variante guère plus longue et très recommandable consiste à suivre le chemin des canons, qui, moyennant d'infimes remontées, aboutit à proximité de l'hospice. Enfin, la version longue consiste à poursuivre vers le Nord-Est en direction des cols du Belvédère et de la Fourclaz. Pour l'heure, vu l'enneigement, nous optons pour la deuxième solution. C'est aussi l'itinéraire suivi par le président (de la république) Félix Faure en 1897. Cette voie ancienne (elle existait déjà à l'époque des guerres de la révolution) utilise au mieux le terrain et les matériaux disponibles sur place. Les pierres ne manquaient pas, le savoir-faire non plus. En évitant au maximum de tailler dans les bosses pour passer en tranchée, on a pris le parti de combler les creux au moyen d'une succession de véritables ouvrages d'art en pierres sèches, dont plusieurs sont remarquablement conservés. En arrière plan de la vue ci-dessus à droite, on distingue en haut et à droite le col et la piste de ski qui en descend. Pour la parcourir dans l'autre sens, s'armer de petits braquets et de jambes de feu, ou marcher (ce que pour ma part j'ai toujours fait). On distingue aussi, au dessus du casque de Marie-Hélène, à droite la piste qui descend vers le pont de la Marquise, et à gauche le chemin qui part dans le vallon de Bellecombe en direction du col du Belvédère.
Un autre "pont" du chemin des canons. Celui-ci est notre préféré.
Après le dernier petit ouvrage d'art, le chemin est remplacé aujourd'hui par un sentier de piétons étroit et sinueux, sur lequel un vététiste adroit trouvera peut-être son bonheur. On rejoint la RD 1090 un peu en amont de l'hospice. En redescendant par cette route après une petite incursion en Italie, on parcourt en tout 63 km, pour un dénivelé de 1600 m.
Dans le vallon de Bellecombe, en direction du col du Belvédère (6/9/95)
Pour être complet, disons quelques mots de la version longue. Le vallon de Bellecombe n'est que partiellement cyclable mais n'offre aucune difficulté.
Au col du Belvédère (6/9/95)
On se dirige à vue vers le col frontière du Belvédère (2569 m), d'où une piste (cyclable) conduit au col de la Fourclaz (2486 m).
Au col de la Fourclaz (6/9/95)
La vue qu'on a depuis ce dernier col est intéressante et devrait rappeler quelques souvenirs à certains. Sur la photo ci-dessus, on distingue à droite le Mont Berio Blanc, dominant le hameau de Porassey et la route du vallon de Chavannes. De l'autre côté du vallon, au dessus du bonnet rouge, le Mont Ouille (aiguille). Entre les deux, à la limite de la zone verte des pâturages, la crête qui joint le Mont Fortin au Mont Favre. Malgré les nuages, et grâce à l'aide déterminante de Jean Papin (l'homme au bonnet rouge), on peut reconnaître au-dessus (et au delà du Val Veni), le glacier du Brouillard à droite, et au centre le glacier du Mont Blanc et le glacier du Dôme. Plus à gauche et plus près, au-dessus du vélo vert, on aperçoit un bout de la route qui va s'engager dans le vallon du Breuil, malheureusement sans débouché intéressant du point de vue cyclomuletier. De la Fourclaz, une bonne piste descend vers la SS 26, qu'elle atteint sur le plateau du col.
Descente du col de la Fourclaz sur le Petit Saint Bernard (6/9/95)
Cet itinéraire, depuis Séez, est long de 66 km, pour un dénivelé de l'ordre de 2000 m. Il permet au collectionneur d'engranger quatre cols cyclomuletiers à plus de 2000 m. Il faut signaler aussi qu'un ouvrage du capitaine Simon, publié en 1902 sous l'égide de l'état major du 14ème corps d'armée ([2]), mentionne le col d'Arnouva, "petite baisse à mi-distance entre le Belvédère et le col de Fourcla". En regardant attentivement (sur l'image ci-dessous) les courbes de niveau sur la carte 3531 ET , on voit qu'il y a effectivement un col à cet endroit, au point coté 2541.
Extrait de la carte 3531ET (document IGN/Club des cent cols)
Arnouva, alias Alpi Nuove ("nouveaux alpages") est le nom d'un hameau situé dans un vallon qui descend à l'est de ce col (hors de l'extrait ci-dessus). La dénomination utilisée par le capitaine Simon est donc légitime. De plus, chargé d'écrire un ouvrage descriptif précis à l'intention de ses confrères officiers de l'armée des Alpes, il n'allait pas faire usage de toponymes fantaisistes. Mais, faute de connaître une carte mentionnant explicitement "col d'Arnouva", le Club des cent cols n'en a pas voulu...
En ce 4 Novembre 2016, le poste de secours de la Traversette est fermé à clé, le ciel s'est couvert et il souffle un petit vent froid. Au Petit Saint Bernard, 5 degrés, du vent et tout est désert, même en Italie. À La Rosière, c'est à peine mieux. Finalement, le pique-nique aura lieu à Séez. Au moment où nous repartons, quelques gouttes tombent symboliquement sur le pare-brise. Il doit commencer à neiger là-haut. On ferme !
Bibliographie :
[1] Laurent DEMOUZON .-- Le col du Petit Saint Bernard et ses fortifications - 1793-1945. Édité par l'auteur (2008). ISBN 2-9519691-5-5
[2] Capitaine SIMON . -- Les Alpes piémontaises. Organisation défensive en 1902. Ouvrage militaire sans mention d'éditeur (1902).
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