Mon 1er BRA par Agnès Méoulet-Morieux
Mon premier BRA, c’était en 1993 le 18 juillet …pour la 37ème édition.
Ceux d’entre vous qui me connaissent savent que seuls les grands objectifs sont de nature à me « donner des ailes ». Alors, puisque mes vertèbres récalcitrantes ne m’ont malheureusement pas permis de réaliser mon vieux rêve et de faire un 100 bornes en courant, m’obligeant à me limiter à la distance du marathon, j’ai décidé de me lancer dans une aventure équivalente à vélo.
En avril donc, je lis dans ma revue cyclo préférée (Cyclotourisme) que cette année, le brevet Randonneur des Alpes aura lieu le 18 juillet. Impeccable, puisqu’à cette époque, je serai en vacances dans les Hautes-Alpes.
Au programme 252 km au départ de Grenoble, avec passage de 5 cols et non des moindres, puisqu’il me faudra gravir, dans l’ordre : le Lautaret (2048 m), le Galibier (2647 m), le Télégraphe (1570 m), la Croix de Fer (2068 m) et le Glandon (1924 m). Le tout dans un délai maximum de 20 heures. Sur les papiers d’inscription, les organisateurs précisent que pour réussir cette épreuve dans de bonnes conditions, il est conseillé d’avoir déjà 2000 à 3000 km dans les jambes, kilométrage en dessous duquel il serait déraisonnable de tenter l’aventure.
Me voilà donc sur les routes des Yvelines, pédalant comme une folle en mai et juin pour « bouffer » du kilomètre et avoir la distance dans les jambes. Chaque week-end, j’augmente la distance : 80, 100, 140, 200 km ! Et puis, fin juin, avec Jacques, nous partons en vacances pour découvrir l’Alsace et les Vosges (à vélo bien sûr). Nous sélectionnons sur la carte tous les cols qui se présentent à nous, et nous parcourons avec délice la région, appréciant au passage les magnifiques petits villages Alsaciens, fleuris à souhait, et les succulentes tartes aux framboises !
Début juillet nous voici comme tous les ans à Névache, dans les Hautes-Alpes. Il me reste une bonne semaine pour parfaire mon entraînement, la semaine précédant l’épreuve devant être consacrée au repos. Névache possédant entre autres qualités l’avantage d’être situé à quelques coups de pédales des célèbres « géants » que sont l’lzoard, le Lautaret, le Galibier, le Montgenèvre et j’en passe, j’en profite pour augmenter mon kilométrage.
La veille de l’épreuve, j’ai au total 2300 km dans les mollets. Au jour J-1, nous nous rendons à Grenoble en voiture et faisons à cette occasion une partie du trajet à l’envers (descente du col du Lautaret). C’est là que je m’aperçois que j’ai peut-être visé un peu fort, je me rends compte que la route est longue et que certaines portions, vues à la descente, doivent être particulièrement sévères à la montée. Le doute m’envahit. Vais-je renoncer et ne pas prendre le départ ? Vais-je devoir abandonner en cours de route ?
Heureusement, lors de la remise des cartes de route et des plaques de cadre l’après-midi à Grenoble, une des bénévoles de l’organisation me prodiguera de sages conseils et des encouragements qui me font encore chaud au cœur, et je repartirai pleine d’espoir.
L’heure de départ est fonction de la catégorie. Pour les femmes et les hommes de plus de 50 ans, il est possible de partir dès 2 h du matin. La veille je me couche à 19 h et, moyennant un petit cachet, je dors comme un bébé jusqu’à 1 h du matin. Après un petit déjeuner matinal, mais solide au demeurant (c’est bien la première fois que je déjeune à 1 heure du matin !), Jacques m’accompagne jusqu’au départ.
Nous ne sommes pas seuls : une animation inhabituelle règne aux abords du centre-ville et des dizaines de cyclos rejoignent eux aussi le point de départ. Je m’élance à 2 heures en compagnie de plusieurs centaines d’autres cyclos et de cyclotes, tous munis de leur éclairage obligatoire et formant un ruban lumineux au milieu de la nuit.
Plusieurs participants perdent leur lumière ou leur bidon, provoquant des écarts imprévus de la part des autres et m’incitant à être vigilante. Je crains d’être à mon tour victime d’un tel incident. Mais je me rassure en pensant que Jacques s’est préoccupé du moindre détail ; allant même jusqu’à équiper mes roues de chambres anti-crevaison et de pneus super-résistants pour limiter les risques, conscient de ma nullité légendaire en matière de mécanique cyclo.
Malgré l’heure matinale, il fait particulièrement bon cette nuit-là, je pédale toute guillerette. Les kilomètres défilent plus vite que je ne l’avais imaginé. Au bout de 50 km, grâce aux quelques pelotons dans lesquels j’ai pu me glisser, j’ai déjà une heure d’avance sur mon programme !
Mais les choses sérieuses commencent, nous attaquons maintenant la fameuse rampe des Commères ; j’embraye donc sur mon plus petit braquet afin de garder mes forces intactes pour la suite des événements.
Le jour se lève ; cela permet d’admirer le paysage qui devient de plus en plus grandiose, notamment à la Grave (1526 m), avec une vue magnifique sur le massif de la Meije.
A l’approche du 90ème kilomètre, au col du Lautaret (2048 m), mon cœur se met à battre un peu plus fort. Je sais que Christian (un copain de la section « course à pied » de mon entreprise) et sa femme doivent être là à m’attendre pour m’encourager et m’apporter mon petit ravito personnalisé. Je suis donc tout émue en les apercevant. Christian sait ce que représente un effort de longue haleine, lui qui a déjà plusieurs « 100 bornes pédestres » à son actif. Je profite de cet arrêt de quelques minutes pour me restaurer copieusement (croissant aux amandes, banane, semoule caramel et eau de Badoit), je repars en direction du fameux col du Galibier.
Le col du Galibier est avalé sans problème. Peu avant le sommet, c’est le premier contrôle officiel. Je présente ma carte de pointage, et on y appose le précieux tampon qui me permettra de valider l’ensemble de l’épreuve à l’arrivée.
Puis, après avoir enfilé mon casque, je m’élance pour une longue descente de 17 km jusqu’à Valloire où je retrouve Georges, un autre bon copain en vacances dans la région. Lui aussi est venu m’apporter encouragements et ravito. Je me restaure à nouveau copieusement et repars pour attaquer le col du Télégraphe. Certes, il n’est pas bien méchant celui-là, mais quand on a déjà 115 km dans les jambes et que la route est encore longue, on rechigne !
On arrive finalement au sommet et à nouveau, on s’élance pour une longue descente de 26 km jusqu’à Saint Jean de Maurienne où, après un nouveau contrôle officiel, un panier-repas nous est fourni.
Il est 12h30 et, en pleine chaleur, j’attaque maintenant un véritable morceau de bravoure le col de la Croix de Fer et ses 30 km de montée ! La route est raide, mais j’ai un moral d’acier car je sais que ce col constitue la dernière grosse difficulté de l’épreuve, et que comme tout s’est très bien passé jusqu’à présent, cela devrait continuer. Je progresse lentement, mais à deux reprises, je suis obligée de m’étendre pour soulager mon dos car mes vertèbres crient au supplice !
Nouveau moment d’émotion à l’approche de Saint Sorlin d’Arves, car je sais que Gérard, un autre coureur à pied de mon entreprise, que j’avais suivi à vélo lors d’un de ses 100 bornes, doit être là à m’attendre. Il est exact au rendez-vous, avec à nouveau un petit ravitaillement personnalisé. Quelle joie de voir enfin une tête connue parmi la foule des spectateurs anonymes !
Je repars pour les 8 derniers kilomètres me séparant du sommet, pleine de courage car je sais que Jacques m’y attend. En effet, de très loin, je reconnais sa petite silhouette juchée sur un gros rocher. Lui aussi m’a apporté un échantillon de mes gourmandises préférées. Emouvantes retrouvailles, félicitations, encouragements, photos…, le moral est au beau fixe.
Il me reste 75 km à parcourir pour rallier Grenoble. 75 kilomètres de descente, pensez-vous ? Et bien non ! Car Si le col de la Croix de Fer est effectivement à 2068 m et Grenoble à 214 m d’altitude, le parcours nous réserve encore quelques petites surprises.
D’abord une longue, longue, longue descente, et puis, suite à un éboulement, la route se relève, bien droite, bien raide sur 1,5 km environ. « Les Ponts et Chaussées ont fait ce qu’ils ont pu », m’avait-on prévenue. Mais comme le moral est au beau fixe, vous surprendrai-je si je vous dis que je n’en fais qu’une bouchée, alors que d’autres cyclos mettent pied à terre et marchent en poussant leurs vélos. La descente continue alors, sans problème si ce n’est un fort vent de face contre lequel il faut lutter sans relâche. Je parviens à me glisser dans un peloton qui roule à fond la caisse vers Grenoble. C’est ainsi que j’aborde l’ultime côte de cette longue journée et parviens à Uriage.
Je me laisse ensuite glisser avec un immense plaisir jusqu’à Grenoble.
Il est 19h25 lorsque je rejoins l’arrivée. Les spectateurs sont encore nombreux et m’applaudissent. Je ne peux m’empêcher de verser une petite larme d’émotion.
En conclusion, il me semble pouvoir dire que ce Brevet de Randonneur des Alpes n’est pas une épreuve aussi bestiale qu’il pourrait y paraître au premier abord. L’essentiel est d’être bien conseillé, bien préparé et, comme pour toute épreuve d’endurance, de bien s’alimenter et de bien s’hydrater. Je peux dire que je n’ai pas eu le moindre coup de barre ni la moindre fringale. Je craignais d’être complètement H.S les jours suivants, mais à ma grande surprise, c’est à peine si j’ai eu quelques courbatures.
Je garde un merveilleux souvenir de cette journée, et déjà, je me plais à rêver à de nouvelles aventures…
Agnès MEOULET-MORIEUX n°3956 chez les 100 cols de Villepreux (Yvelines)
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